LE PREMIER PERSONNAGE
» Outre l’ogre, le spectre, le fauve – selon la figure que l’on prete au bref phénomène vocal accompagnant la diction du concept, le penseur est l’évident premier personnage, sans cesse audible, du drame philosophique incarné par Deleuze dans son séminaire. Sa voix fait entendre les sentiments d’une pensée philosophique en acte: les promesses, les pièges, les jubilations et les brutalités qui lui sont associés. Elle ne cesse de dire à quel point il est intense et difficile de vivre dans l’universe d’apparition d’un concept. Elle montre quelle irascibilité est nécessaire pour traverser cette expérience en obtenant une définition du concept digne de ce nom, à l’autre bout du raisonnement. »
Claude Jaeglé, Portrait oratoire de Gilles Deleuze aux yeux jaunes
PLONGER DANS UN MILIEU
» Le grand mérite de Jean Rouch est d’avoir défini un nouveau type de cinéaste, le cinéaste scaphandrier qui plonge dans un milieu réel. Il accepte la maladresse, l’absence de relief du son, l’imperfection de l’image. En acceptant de perdre une esthétique formelle, il découvre des terres vierges, une vie qui possède en elle-meme ses secrets esthétiques. »
Edgar Morin, CINéMA-VéRITé
LES TROUS NOIRES
» Dans bien des cas, il y aurait avantage à laisser subsister des sauts d’image, ou bien des raies qui passent sur l’écran, ou bien à combler les trous visuels par de simples noir ou des grilles « .
(Gilles Deleuze, on students filming philosophy)
PERTURBATIONS
» Ces TROUS NOIRS dont parle M. Deleuze font partie du choix des séquences qu’il a opéré et il l’a fait sans faire rentrer la technique comme critère de choix. Nous avons donc inclu dans le montage des documents défecteux liés à une absence de synchronisation, ce qui produit, lorsque l’on copie la bande pour la monter, une succession d’ondes de perturbation qui engendrent des phénomènes de broillage (son et image) de perturbations sonores, c’est le décrochage, plus d’image et comme son un 50 hertz strident.
Sans vouloir paraphraser le contenu du discours de Gilles Deleuze, il faut souligner que le sujet abordé contient en lui-meme une raisonnance avec le support vidéo. Redondances, trous noirs, visagéité, sont des notions traitées et explicitées avec l’image et le son, et deviennent non plus des idées abstraites mais concrètes et subjectivées. »
Marielle Burkhalter, ENQUETE AUTOUR DE DOCUMENTS AUDIOVISUELS
L’INACHEVE
» Aujourd’hui, la vision des cours filmes de Deleuze, trente ans plus tard, produit un étrange effet : c’est dans leurs imperfections memes, dans leurs béances que surgit l’émotion et la vérité d’une époque, que se révèle la force et parfois meme la naissance d’une pense. Comme s’il fallait des trous pour qu’apparaissent fugitivement des instants vrais, comme si les tremblements de la camera permettaient sans le vouloir des surgissements insolites. On peut saisir aujourd’hui à la simple vue et l’ecoutes des films sur les cours de 1975, un peu de l’attente fébrile qui envahissait Vincennes chaque mardi matin. On peut s’apercevoir de cet étrange phénomène en comparant les images des films tournés en 1975 avec celles d’un autre document que j’ai réalisé en 1987 d’un cours de Gilles Deleuze sur Leibniz, Là tout est techniquement en place, professionnel, la camera est immobile, les cadrages sont parfait, et pourtant, quel que soit l’intérets des paroles de Deleuze, l’émotion est comme absente. »
Marielle Burkhalter, FILMER LA PENSEE ? CE N’EST PAS DE LA PENSEE FILMEE